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Revista Cultural Voces,Lima, n°55, 2014

 

“Le Pop'art de César Santa Cruz”

 

Juste après avoir fini le lycée, César-Octavio Santa Cruz Bustamante a concrétisé son rêve de partir en France, pays dans lequel il a  réalisé tout son parcours artistique. Aujourd'hui, après sept ans d’absence, il est une nouvelle fois de retour à Lima (cela fait treize ans en tout depuis qu'il est parti pour la première fois) et se montre satisfait d’avoir obtenu titre Docteur en Arts, spécialisé en Arts plastiques, diplômé à l'université Bordeaux 3 – Michel de Montaigne.
Ses longues années d'exil n'ont pas réussi à rompre le lien qui l’unit au Pérou ni l’intérêt qu’il accorde aux thèmes en rapport avec son pays. D'ailleurs, il ne s'est pas non plus éloigné de la scène artistique péruvienne car il y a trois ans, il a remporté le premier prix de la Compétition de Peinture « Sagrado y Profano : El Sincretismo Religioso en América del Sur », organisé par l'Ambassade du Brésil et par le Musée National Afro-péruvien.
« Je suis parti en France pour faire des études d'Arts plastiques. J'ai fait mes études secondaires au Collège Franco Péruvien et même si j'ai fais un BAC ES, j'ai décidé d’envoyer mon dossier à l'Université Bordeaux Montaigne ;  heureusement, ma candidature a été retenue », signale Santa Cruz, âgé de 32 ans.
Après le Master, le jeune artiste s’est penché pour des études doctorales, ce qui lui a pris plus de temps que prévu car, n'ayant pas de bourse, il a financé ses études en travaillant en tant que professeur remplaçant d'arts plastiques dans des collèges. Ainsi, il a partagé son temps entre cours, travail et expositions et a fini par soutenir sa thèse.
« Les études t’incitent à évoluer dans ta démarche plastique jusqu'à ce que tu développe une pratique personnelle. Au début, je m'intéressais beaucoup au dessin, mais à partir de la deuxième année d’études, on nous a demandé davantage de développer une pratique personnelle. A cette époque, j'avais fais beaucoup de travaux, mais j'avais gâché aussi pas mal de matériel. Cela m'a servi dans mes recherches car, ne pouvant pas acheter tout le matériel nécessaire, j'ai commencé à faire du collage. Alors, j'ai commencé à introduire [dans mes travaux] des découpages de journaux, des vielles gravures, des photos et des images diverses et ainsi j'ai commencé un travail de mélange d'images. Au départ, celles-ci provenaient de l'imaginaire européen mais au fur et à mesure, j'ai commencé à intégrer des personnages et des thèmes de l'imaginaire péruvien ».
En ce moment, il développe un style pop avec des motifs péruviens. Ainsi est née une série d’œuvres intitulée Motifs péruviens pour la consommation ; dans celle-ci, il « récupère l'identité péruvienne à travers les produits consommés par les péruviens ». Nous pouvons voir dans celle-ci des personnages extraits de la culture péruvienne tels que San Martin et Santa Rosa aux côtés de boîtes d'Inca Kola, par exemple.
Depuis 2006, le jeune artiste participe à des expositions collectives et dès son retour en France, il doit préparer deux expositions individuelles. De plus, il va participer à un séminaire académique dans lequel il parlera de l'œuvre d'Herman Braun Vega, thème qu’il a abordé dans sa thèse doctorale.

 

 

 

Motifs péruviens pour la consommation

Considérée comme le symbole de l’abondance pour tous, par certains, et comme celui du gaspillage de ressources au détriment des plus défavorisés, par d’autres, la société de consommation est constituée, selon Baudrillard, « par la multiplication des objets, des services, des biens matériels et (…) constitue une sorte de mutation fondamentale dans l’écologie de l’espèce humaine. » (Jean Baudrillard, La société de consommation, p. 17). Les Campbell’s Soup Cans de 1962 de Warhol illustrent parfaitement cette idée d’abondance et d’accumulation instaurées par la production de masse. Au Pérou, la société de consommation s’installe, produit ses propres enseignes et icônes culturelles et adopte des structures propres aux pays en voie de développement (commerces ambulatoires, petits commerces, bazars, marchés d’artisanat) en plus de celles caractéristiques des pays industrialisés (grandes surfaces, magasins de luxe, etc.), tout ceci exalté par la présence colorée d’affiches qui ornent les murs des villes.

              
Or, si la notion de « consommation » est clé dans cette série d’œuvres, l’idée n’est pas celle de définir la société péruvienne comme une société de consommation plus que de tenter de définir une identité péruvienne à travers les produits et symboles de consommation de cette société. La notion de « motif », quant à elle, fait allusion à l'utilisation de la répétition comme dispositif plastique obtenue par des procédés techniques semi-mécaniques tels que transferts d’encre au diluant, peinture au pochoir et sérigraphie ; cette dernière, à son tour, fait allusion au travail sériel de Warhol. Ainsi, nous devons voir dans les bouteilles d’Inca Kola et les boîtes de lait concentré Gloria une évocation formelle, mais « péruviannisée », des bouteilles de Coca-Cola et des boîtes de soupe Campbell de l’artiste américain. La répétition signale aussi la permanence de ces éléments au cours des années au sein de l’imaginaire populaire péruvien, suggérée par la phrase associée au portrait de Sarita Colonia, jeune provinciale issue de la première vague migratoire vers la capitale dont la capacité supposée de faire advenir des miracles en a fait un objet de dévotion populaire : « Sans date d’expiration ». Par ailleurs, cette proposition indique la condition de produit de la « sainte du peuple », produit culturel dont l’effigie et le mythe ont été construits par les nombreux migrants qui, comme elle, se sont installés à Lima dans l’espoir d’une vie meilleure. L’aura d’une image est ce qui constitue sa valeur cultuelle et lui confère une dimension rituelle et magique, nous dit Walter Benjamin dans L’œuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique.
Parmi les éléments figuratifs représentés dans cette série, se trouvent des produits de consommation, des plats et des boissons typiques, des personnages, sans oublier l’art précolombien, argument touristique du Pérou dans l’actuel contexte de globalisation.

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